Le zéro est infini…

Les zéros ne sont pas fatigués, contrairement à ce que disait Albert Eisenstein dans « Le Cuirassé Potemkine ». Bien au contraire ! Dans notre époque d’inflation galopante [[Je parle par exemple de l’inflation des rémunérations des dirigeants, ou du budget du Ministère de l’Attaque US…]] le zéro occupe la première place, reléguant le 1 à la deuxième place, le 2 à la troisième place, etc. jusqu’à l’infini relégué à la infini+1-ième place, laquelle reste, vous vous en doutez, très inconfortable. Pourquoi cette célébrité ?

Combien de zéros ?

Eh bien, parce que ce qui compte le plus, tout le monde le sait, c’est le nombre de zéros. Partout, dans toutes les mesures, les évaluations, les transactions – financières par exemple – la question importante c’est : « Combien de zéros ? » Et plus il y en a, mieux c’est. Trois zéros et deux zéros, c’est des mille et des cents. Six zéros, c’est des millions. Et neuf zéros, des milliards ! Inutile de vous dire que même si vous nêtes pas agriculteur, tout ça, ça fait pas mal de blé.

Le zéro ne se suffit pas à lui-même, cependant. Car si le nombre de zéros est important, cela ne vaut rien s’il n’y a pas un autre chiffre devant. Trois zéros, c’est toujours zéro. S’il n’y a que des zéros, c’est sans aucun intérêt [[Sauf en informatique qui ne manipule que des zéros et des un. Mais l’informatique aussi ça ne vaut rien, à voir le nombre de virus et de spams qui polluent nos malheureux ordinateurs. Et le fait que la machine que vous achetez maintenant ne vaudra plus rien l’année suivante]].

Les autres chiffres, devant ce nouveau venu, se moquèrent du zéro, s’amusant dès qu’il avait le dos tourné à casser du sucre sur son dos bien rond (« Il est nul, il ne vaut rien, il n’y a rien à en tirer, le zéro c’est que d’alle » etc.). Devant cette situation ostraciste et inégalitaire, le zéro plaida le racisme et l’intolérance. Il finit par forcer les autres chiffres à conclure une alliance de manière à ce qu’ils ne l’abandonnent pas. Prenons un petit exemple pour bien comprendre comment il s’y est pris.

Quand le zéro n’existait pas

En ces temps là, si vous vouliez vendre mille euros votre vieille 2CV à un ami, ce n’était pas possible. Le meilleur prix était donc 1111 euros, ou si vous étiez généreux, 999 euros. Le choix était vite fait par votre ami entre un euro de moins et 111 euros de plus. Si vous vouliez gagner vraiment vos mille euros, il fallait ruser et passer votre annonce comme suit : Vends 2CV excellent état, peu servi, comme neuve, 99999 kilomètres, valeur argus 1111 euros, remise exceptionnelle de 111 euros. Evidemment, c’était peu pratique et coûtait plus cher (34 lettres en plus dans l’annonce). De là vint cette horrible l’habitude des commerçants avec leurs prix à 69,99 euros, ou 99,9 euros, ou 49 dollars 99 cents. Cela date tout simplement de l’époque où le zéro n’existait pas. On pourrait croire qu’avec l’invention du zéro cette situation ridicule allait changer mais vous connaissez les commerçants, ce sont des gens frileux. Des fois que le zéro disparaisse à nouveau, ils ne prennent pas de risques.

En ces temps reculés, l’absence du zéro avait de nombreuses autres répercussions. Quand vous annonciez « mille cent onze euros » à l’époque du téléphone arabe, ça prêtait souvent à confusion à cause de la qualité déplorable des lignes. Et « neuf cent quatre-vingt dix-neuf euros plus un » n’était pas non plus très satisfaisant.

La sécurité aussi laissait à désirer puisque la tolérance zéro n’existait pas, alors qu’elle s’applique parfaitement aujourd’hui pour un vol de citron à l’étalage [[Les milliards détournées par les hommes politiques véreux ne font du mal à personne, ils sont payés par nos impôts]]. Au mieux pouvait-on atteindre la tolérance 1, une loi qui fut instituée par le cheik Ibn-Al-Ben-Sarcosi (de mère italienne) autorisant chacun à commettre un seul délit en toute impunité [[L’immam Ibn-Al-Ben-Ch’Irak en profita d’ailleurs insidieusement de nombreuses fois en faisant croire à chaque occasion que c’était la première]].

Dans le langage de tous les jours, l’absence du zéro était aussi un manque cruel. Le professeur ne pouvait pas mettre le fameux zéro éliminatoire, et les cancres, rentrant chez eux avec un « Un Pointé » trouvaient qu’ils n’étaient pas si nuls que ça. Du côté des meilleurs élèves ce n’était pas mieux non plus d’ailleurs, puisque personne ne pouvait avoir zéro faute. De leur côté les scientifiques se battaient pour savoir si l’eau gelait à -1° ou +1°, ou si elle entrait en ébullition à 99 ou 111°. Bref, cette absence se faisait cruellement sentir, et la découverte impromptue du zéro, griffoné sur des manuscrits cachés dans des amphores, disséminées au fond de grottes secrètes autour de la mer morte fut une grande découverte.

La grande fête du zéro

A compter de ce jour, le monde progressa de manière spectaculaire. Au lieu de 1111 ou 999 on pouvait désormais écrire 1000. On inventa alors le kilo, (jusque là il fallait acheter les pommes de terre au prix des 999 grammes, ce qui faisait des calculs compliqués et provoquait des files d’attente insupportables chez les marchands de légumes). Puis on découvrit la tonne : mille kilos, facile à manipuler comme concept. Auparavant, le cannabis saisi dans le port de Marseille n’était même pas signalé par la police (Au lieu de « trois tonnes de drogue », c’était « 3 fois 999×999 grammes saisis dans un entrepôt par les stup » et ça, tout le monde s’en foutait parce que c’était trop compliqué à comprendre). Enfin on inventa le mètre, et dans la foulée le mètre cube, qui remplaça l’ancienne mesure de volume appellée « Empereur Chinois » (999x999x999, le 9 étant le chiffre de l’empereur). Les architectes se mirent aussitôt à bâtir les Pyramides, puis le Louvre. La Bourse fut créée, avec des progressions possibles de 10 %, voire exceptionnellement des gains de 100 % (Le fameux « Coup de Bourse »). Un peu plus tard ce fut le SMIC avec des ajustements conjoncturels de 0,1 % (Le fameux « Coup de Boule »). Les comptables inventèrent les KF ou kilofrancs pour calculer les salaires, puis les KE ou kiloEuros pour l’ISF et la rémunération des dirigeants. Le décimètre apparut, commençant à 0 et finissant à 10 alors qu’il avait jusque là couvert que de 1 à 9 cm, (et que les millimètres n’existaient pas puisqu’on ne pouvait rien diviser par dix).
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Devant ces succès les autres chiffres se rebellèrent, surtout le 1 et le neuf qui y perdaient beaucoup au change. Ils refusèrent le système décimal pour compter les jours de l’année (qui passa exprès de 400 jours à 365, chiffre invraisemblable), et rejetèrent dans la foulée les 10 mois de 36 jours + 5 jours de congés. Ils établirent un système compliqué de 12 mois (11 mois aurait donné trop de valeur au 1) où le 3, le zéro et le 1 réussirent à magouiller, et s’attribuèrent la plus grosse part du gâteau avec des mois en alternance de 30 ou de 31 jours. Sur l’insistance véhémente du 2 allié au 8, on créa février avec 28 jours. Ce fut au tour du 9 de protester, et le 4 vint à la rescousse. On décida donc qu’il y aurait 29 jours tous les 4 ans. Le sept eut les semaines, on s’arrangea pour qu’il en ait 52 pour satisfaire le 5. Et on donna au 6 les semestres. Tout le monde était content.

Mais quand on parla de la numérotation des siècles, le lobby des chiffres non nuls intervint aussitôt et exerça de violentes pressions. Il fut donc décidé que les siècles commenceraient avec le premier au lieu du zéroième (ainsi le 12e siècle désigne les années commençant par 11 : pas très malin !). Bien évidemment pour les millénaires ce fut le même tabac [[Et donc l’augmentation, en particulier des pressions, qui comme chacun sait se mesurent en bars (dans les livres d’histoire, on parle de l’ex-pression bar-tabac)]]. On en paie les conséquences encore aujourd’hui, si vous vous souvenez du débat à propos de l’an 2000 où personne ne savait si le troisième millénaire venait de commencer ou pas. Incompréhensible, n’est-ce pas : il a fallu attendre 2001 pour entrer dans le troisième millénaire ! Cette remarquable stupidité est due à cette hargne indéfectible des chiffres envers le zéro, sans quoi l’an 2000 aurait été normalement, comme tout le monde s’y attendait, la zéroième année du deuxième millénaire [[(A suivre)]].

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8 réponses à Le zéro est infini…

  1. Lizérox dit :

    Pulsions zérotiques
    Mon cher J-M Le Tallec, vous vous trompâtes par deux fois dans cet exposé néammoins lumineux. Abert Eisenstein n’a pas tourné « Le cuirassé Potemkine » mais « Le petit baigneur » avec l’inénarrable Louis de Funès. Le cuirassé Potemkine c’est de Claude Berri. Et « Titanic » c’est de Masser El Balbher, avec Omar Sharrif et le Berbère Léonard.
    Le 12éme siecle ne désigne pas les années commencant par 13, mais par 11 !
    Vous oubliâtes aussi de préciser la position du zéro par rapport à la médiane, en d’autres termes, le signe de zéro, celui du cavalier qui surgit du fond de la nuit et qui court vers l’aventure au galop. Son nom, il le signe à la pointe de l’épée d’un z qui veut dire zéro. dans ce cas, on est en présence d’un zéro positif. Par contre, lorsqu’on voit le film « 2001 odyssée de l’espace » et pire encore « 2010 », on s’ennuie à mourrir, car la musique s’intitule « ainsi parla Zerotoustra, zéro négatif. Dernier exemple, le cas d’un vêtement de luxe qui suppose beaucoup de zéros dans le prix. Cette étoffe des zéros positive le prix, mais donne au compte en banque un solde négatif.
    remarque pour finir : le zéro a été inventé par les Mayas. Et bien ce zéro si parfaitement circulaire ne leur a pas inspiré la roue ! étonnant non ?

  2. r dit :

    > Pulsions nullitiques
    Cher Lizérox, merci pour vos remarques lumineuses mais néanmoins fausses.

    Concernant le 12e siècle vous avez raison, bien sûr, l’erreur dûe au dérapage de mes doigts sur la calculette qui en sus était complètement beurrée (cet article fut en partie écrit à l’heure du petit déjeuner) a été rectifiée. Par contre je vois que vous ne savez rien du cinéma. Lisez la revue « Le septième nanard » et vous vous instruirez. La preuve: c’est bien Albert (et non Abert) Eisenstein, l’auteur de « E=mc2 mon amour » qui a filmé « Le cuirassé P0temkine » dont le nom est en fait P-zéro-temkine, ce que personne ne sait, pas même moi. Je ne vois pas ce que vient faire dans votre discours Maya l’abeille Flandres, qui, si elle n’a pas inventé la roue, nous montre que vous, vous n’avez pas inventé l’eau chaude qui met le feu aux poudres de riz. Ce sont les Toltèques qui ont inventé l’Arrhou, un dieu terrifiant à l’image du serpent quetzalcoatl qui roulait des yeux carrés, ce qui le faisait horriblement souffrir, raison pour laquelle il demandait des sacrifices inhumains. Révisez votre petit Larousse, petit blond !

    Amicalement. Tintin et Milou.

  3. Pr Christophe Colombin dit :

    > Pulsions névrotiques
    Oui, les Mayas ont bien inventé le zéro. Mais dans leur écriture mayesque ils le dessinaient comme un petit carré, même s’il y en a beaucoup que ça choque, hola ! C’est uniquement pour cette raison qu’il ne purent inventer la brouette chinoise.

  4. Casimir dit :

    > Pulsions cabalistiques
    Désolé, c’est le zéro qui a inventé Maya l’abeille, et non l’inverse. (L’inverse du zéro n’existe pas disait rondement Poincaré)

  5. Pandanl Emile dit :

    L’Arrhou de l’infortune
    Erreur, c’est le dieu Pan qui a inventé l’Arrhou ! D’ou l’expression l Pan fait l’arrhou !
    Les Toltèques étaient de simples menuisiers spécialisé dans le bois de tèque et les noix d’acajou. Ils étaient aidés par les mayas, excellents bucherons : ils n’y a que Maya qui taille !

  6. Cave coopérative d'Assas dit :

    Cabale perdue
    L’inverse du zéro, c’est le rozé. Il est toujours associé au 20. L’été, rien ne vaut un 20 rozé bien frais.

  7. Rozélix dit :

    Le fil d’art
    On dit aussi qu’ils étaient des tisseurs et des tricoteurs experts :
    un maya a l’endroit, un maya à l’envers. Les mayas ont inventé la guêpière, gaine étroite qui amaincit la taille, d’ou la légende des Mayas abeilles. Tout ça me donne le bourdon.

  8. Chau La Pin dit :

    Y a pas de sushi !
    Et le tabouret japonais ?

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